Chaïbia disait souvent : « j’ai appris à mon fils à lire sous la lumière d’une bougie »
Suite au franc succès rencontré par l’exposition patrimoniale «Chaïbia et Hossein Tallal, une œuvre en miroir», l’Espace d’art Moulay Ali Kettani( 163, avenue Hassan II, Casablanca ) abrite jusqu’au 29 juillet 2017 la troisième escale de cet événement muséal de grande ampleur ,et ce après deux escales rayonnantes et combien captivantes : à l’espace d’art Actua de la Fondation Attijariwafa bank et au 6ème étage du siège d’Attijariwafa bank dans sa première version en avant-première en présence de Hossein Tallal.
Evènement digne d’un grand musée, cette exposition monumentale se veut un regard croisé sur la passion partagée entre l’artiste de renommée internationale Chaïbia et son fils l’artiste de renom et Hossein Tallal. Elle a pu drainer, à l’unanimité, un grand public de passionnés et d’acteurs artistiques y compris une délégation de journalistes africains (dans le cadre de la 5ème édition du Forum International Afrique Développement) . Première au Maroc, cette manifestation artistique suggèrera également l’empreinte marquante des lieux où ont vécu les deux artistes. Il a ainsi été privilégié de recréer des atmosphères vivantes faisant appel à leurs objets personnels vibrant d’émotion et de mémoire pour mieux ressentir et comprendre la relation entre la mère et le fils. D’une peinture à l’autre et d’un espace à un autre, se reflèteront - ou se confronteront- les tons opaques et pénétrants des peintures de Tallal dans ceux éclatants et toujours vifs de Chaïbia. Entretien avec l’artiste peintre de renom Hossein Tallal.
Douze ans après le décès de l’illustre peintre marocaine Chaïbia Tallal en 2004, la Fondation Attijariwafa bank tenait à rendre un singulier hommage à celle qui, légende vivante de l’art marocain, fait vibrer le cœur des marocains et celui des amoureux de l’art dans le monde entier. Votre appréciation ?
Tout d’abord, j’aimerai bien saluer vivement et chaleureusement cette initiative d’envergure et louable prise par cette institution bancaire citoyenne de référence. Je suis convaincu qu’à travers l’organisation de cette exposition singulière, la Fondation Attijariwafa bank enrichit d’une nouvelle pierre l’axe «Mémoire et Histoire» inscrit dans ses missions dont le slogan est «Culture du patrimoine». Il s’agit également de poursuivre la démocratisation de l’art avec les véritables locomotives de l’art au Maroc. J’étais vraiment sensible à cette bonne et délicate initiative en hommage à nos parcours artistiques. A ce titre, je tiens à relever que cette intention dénote de façon évidente l’esprit de reconnaissance et de consécration par amour pour l’art et par admiration à ses acteurs incontournables. Dans ce contexte, je reprendrai ce que disait Mohamed El Kettani, PDG du groupe Attijariwafa bank lors de la première version en avant-première au 6ème étage du siège dudit groupe : « Une première dans l’histoire de l’art marocain, celle de réunir dans une même unité de temps et d’espace, deux parcours artistiques telle une célébration de l’amour filial et de l’amour de l’art (...) .En vérité, c’est plutôt les Tallal qui nous accueillent dans cet espace, et qui nous invitent à découvrir en exclusivité le propre et le sublime de toute collection privée. A travers la présence de nos clients les plus prestigieux, au plus haut niveau de notre Banque, nous rendons hommage aux Tallal, mère et fils, en témoignage de toute notre estime et considération. ».
Qui fait la particularité de cette exposition- événement phare de l’année 2017 ?
Cette exposition de genre relate ma belle histoire d’attachement et de fidélité au fil d’une période allant de 1967 à 1988 pour Chaïbia et de 1970 à 2015 pour moi, où cohabitent œuvres, affiches historiques, éditions d’art rares, tapisseries, pour certaines n’ayant jamais été montrées au public. L’exposition donne également à voir de nombreux témoignages filmés d’intellectuels et de personnalités de la culture tels que Fatima Mernissi, Ahmed Taïeb El Alj, Tayeb Seddiki, Ahmed Jaride… et propose une immersion dans l’univers de deux artistes d’exception. Une série d’œuvres présentées selon une chronologie croisée retrace le parcours artistique de chacun de nous. Remontant à ma première exposition à la Galerie Ivan Spence à Ibiza en 1974, où j’ai présenté mes œuvres en section dessin et Chaïbia en section peinture. Des œuvres des années 60 et 70 de la pionnière de l’art marocain sont également exposées, tout comme mes œuvres récentes notamment «Artiste voyageur de nuit» ou encore «Portrait imaginaire». Deux tapisseries inédites reprenant nos œuvres s’invitent également sur les cimaises de l’espace d’exposition. Au lieu d’un simple accrochage d’œuvres, un espace fidèle à la galerie Alif-Ba reprenant notamment les meubles art-déco, les photographies, la couleur des murs, a été reconstitué pour l’exposition afin de plonger le visiteur dans cette atmosphère unique. D’autres «espaces vivants» ponctuent l’exposition, comme celui dédié à Chaïbia projetant un de ses films inédits où elle est interviewée par Fatima Mernissi. Sa scénographie champêtre a été menée à bien par Ufografik et Design4’U. A cette occasion, la banque privée a tenu à marquer cette manifestation par l’édition d’un coffret commémoratif exclusif et en tirage limité, contenant une production en soie d’une œuvre de Chaïbia Tallal d’après une peinture de la collection Attijariwafa bank ainsi que trois multiples d’art signés de ma main.
Hossein Tallal en compagnie de Chaïbia à sa maison.
Quels sont les grands tournants qui ont marqué votre imaginaire pictural digne des grands musées ?
J’ai la chance dans les années soixante, d’avoir un grand ami comme Cherkaoui que j’ai côtoyé à Paris et qui m’a permis de rencontrer plusieurs artistes et écrivains célèbres : Gaston Dhiel, Jacques Berque et autres. Dans ce contexte, j’ai été sélectionné par le fameux historien René Huyghe dans Larousse « Art dans le monde » et j’ai remporté en 1965 le grand prix du Salon d’Hiver du Maroc à Marrakech crée par Majorelle, qui mettait en compétition plus de 160 artistes marocains et étrangers, pour la plupart européens. On a été trois artistes marocains : Taieb Lahlou, Hassan Glaoui et moi-même. J’étais surpris d’avoir décroché ce prix parce que j’étais le plus jeune sélectionné par la commission du jury.
Avec sa générosité de cœur et sa grandeur humaine, Cherkaoui disait à chaque fois qu’il me présente à une personnalité culturelle : Nous sommes deux à Paris. J’ai toujours gardé en moi même cette générosité envers d’autres personnes. C’est extraordinaire !
En 1970, mes œuvres ont été sélectionnées au Salon de Mai (Musée d’art moderne) après leur exposition à la fameuse galerie parisienne Vercamer à la même date. J’ ai participé à plusieurs expositions de grande envergure à travers le monde comme à la Fondation Miro de Barcelone mais aussi au Danemark, aux États-Unis ou encore en Égypte… j’ai été reçu par Zadkine (considéré comme l'un des plus grands maîtres de la sculpture cubiste) et reconnu par des critiques d’art de renom, à l’instar de René Huyghe, éminent professeur au collège de France et à l’Ecole du Louvre de Paris et historien de l’art, qui a consacré à mon œuvre en 1971 un texte dans le monumental livre qu’il avait publié sous le titre « les art dans le monde » chez Larousse. Le critique d’art Alain Flamand m’a qualifié comme «L’un des plus grands peintres marocains ; peintre de la solitude et de l’essentiel par excellence». Et ajouter : «peintre des foires orageux, peintre des couleurs vives, Tallal sait aussi se mettre à l’écoute de la nuit. Si sa peinture sensuelle est dramatique, si sa peinture intellectuelle est onirique, sa peinture réaliste est franchement tragique ».
Vous êtes de ces artistes précurseurs qui ont réalisé un parcours probant et riche en termes de créativité et de plasticité. Peut-on avoir une idée sur ce que vous avez réalisé jusqu'à présent ?
Lors de ma première exposition à la Galerie parisienne La Roue en 1967, j’ai axé ma peinture sur ce thème général : « les portraits imaginaires » sans recours à des titres. Vers les années soixante dix, j’ai commencé à illustrer les contes fantastiques d’Edgar Alain Poe, en mettant en scène l’enfant et les jouets. C’est un peu les enfants handicapés. Ce qui est extraordinaire à ce propos, c’est que en recevant ma carte professionnelle au parlement, j’ai retrouvé deux tableaux représentatifs de cette série où j’ai abordé avec spontanéité le tragique de l’enfance et la beauté de la laideur. Je suis fils unique et je n’ai pas connu mon père à la naissance. Ainsi, je voudrais bien rendre hommage à ma mère qui disait souvent : « j’ai appris à mon fils à lire sous la lumière d’une bougie ».
Jean Bouret, célèbre critique d’art français, a écrit dans « les Lettres Françaises » : «les tableaux réunis ici sont d’une étrange beauté. Je ne sais pas pourquoi ils m’ont fait penser à William Blake (né le 28 novembre 1757 à Londres et mort en 1827 : poète, peintre et graveur), mais c’est ainsi et je n’y peux rien, même pas une tentative d’explication.».
Quant à mon exposition à la Galerie Vercamer à Paris, elle a été focalisée sur le thème de la danse. A Rabat, j’ai présenté la thématique du cirque en tant qu’un monde passionnant qui fait référence à mon enfance quand je n’avais pas l’argent d’y accéder. Je me rappelle cette citation d’une historienne d’art française en commentant mon travail en question : « Beaucoup d’artistes ont travaillé sur le cirque, mais ton cirque est à toi Tallal. ».
En 1984, Feu SM Hassan II m’a adressé une lettre dont voici un extrait : « Ces tableaux qui témoignent du degré de perfection jamais atteint par l’art pictural marocain, grâce à votre labeur acharné et à votre ténacité opiniâtre de poursuivre avec constance, un effort de recherche soutenu par une maîtrise adéquate de votre technique, honorent le Royaume. ».
Vous êtes parmi les initiateurs et les architectes du dialogue interculturel entre le Maroc et l’Iran. Quel est, selon vous, la réalité et les perspectives de ce dialogue bilatéral ?
J’ai été invité par le président de l’Académie des Arts Iranienne comme président du jury de la 3éme Biennale d’Art Islamique dont j’ ai assuré avec rigueur et objectivité la sélection des œuvres artistiques primées. Suite à cette participation, j’avais aidé à l’organisation d’une grande exposition d’art iranien initiée par la dite Académie au Forum de la Culture (ex Cathédrale Sacré Cœur) à Casablanca pour présenter le panorama le plus représentatif possible de l’art iranien dans ses styles diversifiés. C’était une occasion propice de rencontrer une pluralité d’éminents plasticiens et intellectuelle. L’échange interculturel table sur l’art en tant qu’un moyen de reconnaissance et de rapprochement entre les peuples et les nations. Quand j’étais à Téhéran, j’ai côtoyé des artistes et j’ai communiqué avec eux juste par le message muet des gestes et des expressions visuels, en dépassant les frontières de la langue. Ce message artistique devient vivant, relationnel et bénéfique pour les peuples et les nations.
Le Maroc a beaucoup inspiré les grands maîtres de la peinture
Quel regard portez-vous sur les arts plastiques au Maroc en tant qu’artiste peintre et homme de culture ?
On a une très bonne école, parce qu’elle est diversifiée : il y a les naïfs, les abstraits, les figuratifs, les installateurs, les photographes …etc. Cette diversité relève de la lumière fascinante du Maroc qui a beaucoup inspiré les grands maîtres de la peinture, en l’occurrence Delacroix, Matisse et Majorelle. C’est une école vivante. Maintenant, nous sommes très heureux que les gens commencent à s’intéresser à la peinture et aux artistes. Je pense que c’est grâce à SM le Roi Mohammed VI qui a donné une impulsion et une vie à l’art au Maroc.
A mon sens, on ne peut pas parler d’une peinture proprement marocaine. Il s’agit d’art contemporain qui se veut universel. De par sa position historique et géographique, le Maroc a été et sera toujours un carrefour où foisonnent différentes tendances et expériences, ce qui représente un grand moment de partage et d’enrichissement.
Dans le cadre de la Galerie Alif Ba créée par Chaïbia en 1982, on a œuvré pour l’ouverture sur des sommités artistiques à l’échelle internationale dans le but de mener à bien une synergie entre les créateurs d’ici et d’ailleurs.
L’art ne peut être réalisé s’il n y a pas de création au sens plein du terme. J’estime que cette création se nourrit de l’esprit de liberté et de sincérité. Dans cette optique, je voudrais bien citer ce que disait Feu SM Hassan II dans son discours prononcé le 19 décembre 1963, en s’adressant aux artistes lors de la Rencontre Internationale des Arts au Maroc : « Et je leurs dis : dans le domaine de la sagesse, de la vertu et de l’art ; il n’y a point de limite à la connaissance et il n’y a point de terme à la recherche. Je les encourage aussi pour qu’ils soient des membres actifs de cette grande famille des penseurs et des artistes qui, lorsque tout semble s’écrouler, restent les amarres entre les peuples, les continents, les religions et les races … ».
Quelle est votre conception de l’art ?
Loin de toute ressemblance ou répétition stéréotypée, ma peinture, comme écrivait Denise Divrone (critique d’art) : « est une peinture d’évasion aux frontières de l’art figuratif, une interprétation subjective de la réalité objective. Le spectateur, en abordant son œuvre, doit savoir qu’il va vers la rencontre de cette vision, sinon il ne peut la comprendre. Son acte pictural n’a pas la prétention de reproduire la réalité visible, il essaie de saisir la beauté spirituelle édictée dans les états d’âme, en rendant l’invisible visible. ».
L’art ne peut être réalisé s’il n y a pas de création au sens plein du terme. J’estime que cette création se nourrit de l’esprit de liberté et de sincérité. L’art également est le rapprochement entre les peuples.
Dans cette optique, je voudrais bien citer ce que disait SM le Roi Mohammed VI dans son discours adressé à la Nation à l'occasion du 59ème anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple, lundi 20 août 2012 : «La culture constitue de nos jours un levier fondamental pour la création, l'innovation, le ressourcement spirituel et l'affirmation de la personnalité nationale. Elle est le catalyseur qui dynamise notre société, une société aussi fière de ses affluents pluriels et de
sa civilisation séculaire, qu'elle est attachée à sa diversité et à son ouverture sur le monde ».
L’artiste Chaibia a sillonné le globe et a ravi les critiques les plus impartiaux. Ces couleurs ont illuminé les différentes capitales des grandes villes modernes et les galeries les plus exigeantes. Quel est le secret de sa célébrité à l’échelle internationale ?
Vous savez, le secret de Chaibia est venu avec le travail. C’est une femme artiste qui a travaillé tout le temps. Fermée chez elle, elle recevait beaucoup de monde. Dans ses œuvres calculées en nombre d’or, chaque chose était à sa place. Pour elle, la sincérité est importante dans la création. Elle se manifeste en traits et en compositions. Chaque couleur donne une image sur l’artiste. Il faut aussi reconnaître que Chaibia a mené la peinture marocaine à l’universalisme par ses couleurs, ses habits, ses fantasmes, sa bohémie : «Dans les ventes aux enchères internationales, Chaïbia se retrouve systématiquement dans les mêmes lots que Picasso, Braque, Miro, Appel, Dubuffet et autre Tinguely. Seule représentante féminine de l’art pictural du XXème siècle à la côtoyer dans les catalogues : Sonia Delaunay. En 1971, Chaïbia figure dans le Larousse de L’Art dans le monde. En 1977, elle entre au Bénézit, dictionnaire de référence( …) Ce corps enveloppé et enveloppant, archétype même de la maternité, cette voix caverneuse et moqueuse à la fois, ce regard perçant mais bienveillant, cette chevelure noire de chef amérindien, ces caftans et ces coiffes, etc. L’ensemble faisait de Chaïbia un personnage charismatique à la limite du chamanique( …) Peu à peu, les ricanements s’éteignent et l’ensemble du milieu culturel marocain est obligé de reconnaître en Chaïbia un des artistes-peintres marocains les plus originaux, les plus féconds et les plus constants, pour ne pas dire le peintre marocain majeur du XXème siècle. Le grand public, quant à lui, apprécie la figure ultra-médiatisée, à la faconde extraordinaire. Il se reconnaît en cette femme obèse mais belle et coquette, aux yeux toujours soulignés de khol, aux mains teints au henné, fière de ses caftans, de ses bijoux et de son wouchame (tatouage). Cette femme qui parle un arabe marocain paysan mais s’exprime librement. Cette analphabète dont tant de grands de ce monde ont baisé la main.
», écrivait un critique d’art au « Hot News ». Elle a fait connaître à travers ses œuvres d’autres artistes peintres marocains. Il ne faut pas avoir 70 % de blabla et 30%de peinture. Il faut 100% de peinture. Chaibia a été fêtée par les grands ténors du mouvement Cobra : Corneille, Alechinsky, Apple, Constant …etc. Elle avait une force au niveau de graphisme et de la couleur brute. Le secret de l’art est là. D’ailleurs, dans les années soixante, il y avait des suivistes de Chaibia notamment au Brésil et à Paris. Toutes ses expositions dans les quatre coins du monde ont été vraiment un énorme succès sur tous les plans. Fidèle à son langage intérieur et à la fraîcheur de ses couleurs, elle a été choisie pour présenter la femme en Méditerranée.
Chaïbia est tout simplement une magnifique et une sublime «histoire Marocaine». C’est aussi un vibrant hommage au Maroc des années 40 et 80. Elle a été sélectionnée par La Direction des Editeurs de l’American Biographical Institute fondée en 1967 , tout en remportant le prix de distinction pour Action de Chef de File ( Distinguished Leadership Award) au titre de la première édition du Répertoire International des Chefs de File, et ce pour sa grande contribution aux arts. Dans le cadre de cette première édition, le nom de Chaïbia figure parmi les grands ténors de l’art mondial en l’occurrence Victor Vasarely ( 1906-1997) reconnu comme étant le père de l'art optique qui a développé son propre modèle d'art abstrait géométrique, travaillant dans divers matériaux, mais employant un nombre minimal de formes et de couleurs. Ce n’est pas un hasard, donc, que Chaïbia est nommée députée au Parlement Mondial de la Sûreté et de la Paix avec un passeport diplomatique délivré par le conseil mondial de la paix et de la sécurité. En 2012, elle figure dans « Encyclopedia of the Mideast and North Africa » (volume 4) par Indiana University Press et dans Oxford University Press (New York): « Dictionary of African Biography » par l’historienne d’art de renom Osire Glasier ( History Department). Cette consécration distinctive a été marquée aussi par l’obtention avec mérite « the Cultural Doctorate in Fine Arts » (World University Press). Elle a été le sujet de prédilection des articles et des couvertures des magazines les plus prestigieux : L’œil, Connaissance des arts, Artension, L’officiel, Elle, etc. Dans les ventes aux enchères internationales, Chaïbia se retrouve systématiquement dans les mêmes lots que Picasso, Braque, Miro, Appel, Dubuffet et autre Tinguely. Seule représentante féminine de l’art pictural du XXème siècle à la côtoyer dans les catalogues : Sonia Delaunay ( 1885-1979). Dans l’ouvrage de référence « Dictionary of African Biography », Osire Glasier a écrit : « Chaïbia Tallal a été sans conteste la plus célèbre peintre du Maroc du 20 ème siècle. De plus, elle figure parmi les grands peintres du monde, au même titre que Miro, Picasso et Modigliani, pour ne citer que ceux-là. Aussi, elle est la seule peintre du Maroc dont les œuvres sont cotées à la bourse. Il faut dire que ces tableaux peuvent se vendre jusqu'à un million de dirhams pour un grand format(…). Le succès de Chaïbia a été fulgurant. La mahboula, la folle du petit village de Chtouka séduit un grand public entre autres à Copenhagen, Frankfort, Ibiza, Tunis, Brésil, Rotterdam, Irak, Barcelone, Nouvelle-Zélande et Beverly Hills. Les grands critiques d’art ont consacré Chaïbia grande peintre du 20ème siècle, d’ailleurs avec raison puisque les œuvres de cette dernière côtoient celles de Miro, Picasso et Modigliani pour ne citer que ceux-là. Aussi, dès 1971, Chaïbia figure dans le Larousse de l’art dans le monde ; et en 1977, elle entre dans le dictionnaire de référence Bézénit (…) Et s’il faut à tout pris classifier ce style, certains critiques s’accordent pour dire qu’on est en présence d’un « art brut », c’est - à -dire un idéal plastique tel que préconisé par le mouvement européen Cobra en 1945, à savoir un art dégagé de toute influence savante, culturelle et historique .En réalité, le style de Chaïbia est inclassable. Plus tard, on dit un « Chaïbia » comme on dit un « Picasso »…mais aussi comme on vend un « Picasso » : Chaïbia est la seule peintre marocaine à être cotée en bourse ;et les collectionneurs sont prêts à débourser la bagatelle d’un million de dirhams pour acquérir une seule de ses toiles ! ( ...). Somme toute, la mahboula de Chtouka a été une baraka, une grâce pour le Maroc entier. ».
Propos recueillis par Dr. Abdellah Cheikh( critique d’art)